Le numérique responsable devient progressivement un enjeu pour les organisations. Largement piloté jusqu’alors par les directions informatiques, il tend à s’intégrer plus largement au sein de certaines entreprises, en particulier les acteurs du numérique, pour devenir un enjeu RSE fort.
« Le travail que nous effectuons est reporté directement en comité de direction, preuve de l’importance accordée au sujet Numérique Responsable ». Les mots de Maxime Maintier, Directeur RSE de Fujitsu, résonnent comme une satisfaction d’avoir réussi à faire émerger le sujet pour qu’il devienne central au sein de l’entreprise. A l’instar de Fujitsu, le numérique responsable devient un enjeu de plus en plus fort dans nombre d’organisations. Entre autres, pour les prestataires de l’IT, il devient indispensable de travailler des offres spécifiques et de mettre l’entreprise en cohérence par rapport à cette démarche.
C’est ce qu’à bien compris Fujitsu, nous explique Maxime Maintier. Fujitsu se considère même en avance sur ses sujets : Fresque du Climat à tous les collaborateurs pour sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux environnementaux et faire évoluer les mentalités, ateliers 2tonnes en cours de déploiement, Fujitsu s’applique dans sa stratégie de change management. « Dans notre entreprise, le plus difficile c’est de faire changer les mentalités. Les gens sont fidèles à Fujitsu, c’est une belle satisfaction. Plus d’un tiers des salariés ont 20 ans d’ancienneté dans l’entreprise et l’âge moyen est de 48 ans. En revanche, c’est aussi un frein à certaines évolutions et il faut travailler dur pour faire évoluer les habitudes ».
L’enjeu pour Fujitsu est d’arriver à se transformer en interne d’une part, et d’embarquer ses clients dans cette démarche d’autre part. Puisque 99% de l’empreinte relevée dans le bilan carbone de l’entreprise est en Scope 3, il semblait indispensable pour Fujitsu d’embarquer ses clients.
Le poste de Directeur RSE a été récemment créé pour accélérer sur ses sujets. Mais la dimension du poste doit beaucoup à Maxime Maintier qui a travaillé pour avoir un rôle stratégique au sein de l’entreprise, « Il fallait faire de cette fonction, non pas une fonction support, mais un centre de revenu, un fer-de-lance du changement d’image de groupe ». C’est ainsi qu’il occupe une position centrale dans l’organisation et fait partie du comité de direction de Fujistu France, au sein d’une entité comptant près de 300 collaborateurs.
Pour réussir la transformation de l’entreprise, Maxime Maintier espère, au-delà de la stratégie interne, créer de nouvelles relations avec les clients : des relations basées moins sur les prix, et plus sur d’autres indicateurs de durabilité. Ainsi, à travers une offre élargie visant à transformer les entreprises clientes sur leur environnement IT et plus globalement sur toutes leurs chaînes de valeur, Fujitsu entend se placer comme un acteur du changement. L’enjeu est transverse pour penser des modèles d’entreprises tenant compte des enjeux environnementaux et sociétaux.
Chez Oodrive, les enjeux sont sensiblement les mêmes. Marie-Céline Plourin, Head of CSR (Directrice du développement durable), conduit les nécessaires changement au sein de l’entreprise pour trouver un modèle qui pense moins en gains et productivité qu’en soutenabilité de l’offre : « mon rôle est d’amener l’entreprise à se repenser pour intégrer les limites finies de notre monde. Plus globalement, je cherche à déconstruire les modes de pensées de l’entreprise pour intégrer ces enjeux. » .
Si chez Oodrive, plateforme collaborative en ligne (drive, messagerie collaborative, visioconférence, signature de documents en ligne, etc.), la démarche est avant tout centrée sur l’entreprise et moins les parties-prenantes externes, elle n’en demeure pas moins centrale dans la stratégie. Marie-Céline Plourin fait partie du comité de direction de cette entreprise de 250 salariés. Elle rapporte ainsi les actions et présente les choix stratégiques à opérer pour répondre aux enjeux environnementaux.
Pour opérer cette mutation, une longue étude de matérialité a été menée au sein de Oodrive pour comprendre les attentes des salariés et l’ensemble des parties prenantes sur les sujets RSE. Ainsi, 10 priorités ont été définies en grande partie sur le produit. Les priorités s’axent bien sûr sur la souveraineté et le respect des données personnelles / privacy, qui constituent la marque de fabrique de la solution Oodrive, et sur la partie environnementale. Entre autres, les enjeux d’écoconception prennent de l’ampleur dans la mise en œuvre des outils et services Oodrive.
Pour Marie-Céline Plourin, la Responsabilité Numérique des Entreprises (RNE) est un terme émergent qui est le résultat de l’appropriation de la notion et des enjeux dits « numérique responsable » par ses pairs. Le sujet a d’abord émergé au sein des directions informatiques, mais le numérique est loin d’infuser uniquement dans les services informatiques. De par son omniprésence dans les différents départements de toute organisation, l’acculturation des enjeux d’un numérique plus responsable par chacun est essentielle.
D’ailleurs, lorsque les enjeux du numérique responsable remontent au sein des directions RSE, le sujet s’intègre plus globalement dans la stratégie d’entreprise. L’acronyme RNE devient alors plus cohérent et plus englobant.
Il renverse également les responsabilités : ce n’est pas au numérique d’être plus responsable mais c’est aux entreprises d’exercer leur responsabilité vis-à-vis du numérique. Cela signifie que quelles que soient les capacités offertes par le numérique, l’entreprise se doit de définir une ligne conductrice lui permettant de travailler avec le numérique dans un cadre, a minima, plus durable, plus éthique, plus solidaire et plus paritaire.
Au sein d’Oodrive, les fonctions les plus concernées s’approprient le sujet de la RNE : Marketing, DSI, Stratégie, Recherche et Développement et Relation Client. Cette vision globale, embrassée par plusieurs départements permet d’avoir plus facilement une vision commune du sujet et de le déployer avec cohérence. Les sujets RSE et RNE ne font ainsi qu’un.
La stratégie RSE d’Oodrive s’appuie sur 3 piliers, relativement « classiques » selon Marie-Céline Plourin : inclusion/diversité, réduction de l’empreinte carbone et évolution de la gouvernance. Ce dernier pilier en particulier, se développe sur le contenu du Label Numérique Responsable (développé par l’Institut du Numérique Responsable) : « Nous nous appuyons sur chaque item du Label NR pour faire évoluer notre gouvernance ». Oodrive, est, en toute logique, dans le processus de labellisation.
Du côté de Fujitsu, parler de RNE permet de recouvrir une réalité plus globale que ce que peut laisser apparaître le terme numérique responsable ; le pilier environnemental étant souvent prépondérant. Dans la stratégie RNE, les piliers sociaux et sociétaux sont aussi importants que le pilier environnemental.
Pour Emmanuelle Olivié-Paul, fondatrice et CEO d’Advaes, cabinet spécialisé sur l’accompagnement des prestataires du numérique pour un numérique plus responsable et plus durable, la RSE appliquée aux acteurs du numérique présente des spécificités bien particulières. De manière générale, les enjeux ESG (critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) ont, au départ, assez rapidement tourné autour de l’enjeu social.
L’enjeu social est plus lisible et remet moins en cause la manière de déployer l’activité. Travailler sur les enjeux de parité, d’inclusion et de diversité a été assez vite perçu comme un facteur de performance au sein des organisations. Moins simple à percevoir avec les enjeux environnementaux et de gouvernance. Pour les acteurs du numérique, c’est en effet un potentiel changement de paradigme.
Pour Emmanuelle Olivié-Paul, les compétences RSE ne sont pas suffisantes pour travailler sur les critères ESG des prestataires du numérique : Il faut faire entrer les compétences numérique responsable au sein des entreprises. « Pour prendre des décisions éclairées, il faut de la formation et de l’information. ».
L’appropriation du sujet numérique responsable gagne du terrain chez les acteurs du numérique. Le numérique responsable entre progressivement dans les stratégie RSE des entreprises du numérique. Chez les acteurs en mouvement, l’appropriation du sujet par les directions RSE avance pour devenir un sujet global et ainsi mieux définir la Responsabilité Numérique des Entreprises (RNE).
Si pour certaines entreprises le lien se fait de plus en plus, où en sont réellement les autres acteurs, alors que 42% des TPE/PME déclarent mettre en œuvre des actions en faveur de la sobriété numérique dans leur entreprise selon le dernier Baromètre France Num 2023 ?
Marie-Céline Plourin (Oodrive) est à retrouver sur GreenTech Forum 2023 lors de la conférence : « De l’ambition à l’action : comment structurer et mettre en œuvre une stratégie de numérique responsable au sein d’une PME/ETI ? », le 21 novembre 2023 à 14h.
Maxime Maintier (Fujitsu) et Emmanuelle Olivié-Paul (Advaes) sont à retrouver sur GreenTech Forum lors de la conférence : « Numérique Responsable, gouvernance et stratégie des organisations : bénéfices et opportunités », le 21 novembre 2023 à 11h.
Auteur de l'article : Rémy Marrone pour GreenTech Forum