Aligner les trajectoires bas carbone de la DSI avec la trajectoire RSE globale et déployer. C’est tout l’enjeu du travail que doivent mener les équipes RSE de l’IT des entreprises et des référents numériques responsables. Un défi de taille pour ces équipes : il faut, non seulement bien évaluer le chemin à parcourir, définir les moyens à mettre en œuvre et convaincre en interne de passer à l’action.
« L’un des principaux challenges, c’est l’adhésion des parties prenantes. Elles sont souvent surbookées, prises par d’autres priorités » explique Jessica Volckmann, Technology Consulting Manager pour le Cabinet EY Consulting, « c’est pourquoi, il est important de s’aligner avec la stratégie de la DSI et la trajectoire de l’entreprise et d’y inscrire les enjeux de numérique responsable. »
Pour définir avec pertinence ces enjeux de numérique responsable, l’évaluation de l’empreinte de l’IT est souvent un préalable essentiel. « Notre crédo : une mesure fiable qui permet d’opérationnaliser une feuille de route » décrit Jessica Volckmann.
Et pour aller chercher l’adhésion à cette feuille de route, EY aide à identifier des personnes clés, celles que l’on nomme souvent les sponsors. « En interne, il faut identifier des sponsors à la démarche, avec un niveau suffisant pour pouvoir faire bouger les lignes » détaille-t-elle, « un levier pour favoriser la priorisation du sujet et convaincre ». Et de rappeler : « sensibiliser le plus grand nombre est également clé pour montrer l’intérêt et l’importance de la démarche. »
Aux yeux de Jessica Volckmann, un autre challenge est aussi de faire du numérique responsable un automatisme plutôt qu’une source de préoccupation. « On cherche à intégrer le numérique responsable by design au sein des équipes ! » explique-t-elle. Par exemple, sur l’éco-conception « il faut former et acculturer les collaborateurs pour les aider à éco-concevoir by design des services. Ainsi, on les accompagne au sein même de leur quotidien opérationnel pour que cela devienne un réflexe. »
Chez France Travail, s’entourer de partenaires externes a, entre autres, pour objectif de lever les freins à la transformation. Sandra Charrier, Responsable du département RSE de la DSI, estime que le numérique responsable est devenu tellement complexe qu’il faut une expertise pointue sur chaque sous-thème. « Quand on parle de mesure carbone, d’achats responsables ou de labels au sein de la DSI, on voit qu’il nous faut des expertises très pointues » précise-t-elle, « par exemple, il faut désormais un savoir-faire spécifique sur l’éco-conception de l’IA, des services numériques classiques ou encore des API. »
Pour aller chercher ce savoir-faire, France Travail se tourne donc vers l’extérieur, EY notamment. « On souhaite tirer une transformation de toute notre démarche numérique responsable » expose Sandra Charrier, « pour cela, il nous faut aller chercher des expertises à l’externe pour ensuite les internaliser ». Une stratégie interne-externe gagnante pour cette experte des sujets IT et RSE qui permet d’aller plus vite dans la transformation.
Dans cette phase, la formation est centrale pour France Travail. De sa connaissance pointue des enjeux IT, Sandra Charrier en tire une capacité d’analyse fine des programmes de formation et sa conclusion est sans appel : « nous avons fait une étude de marché et constaté que les formations ne correspondent pas à nos attentes en matière de RSE et d’IT. On a donc construit nous-mêmes nos propres outils de formation. »
Cette construction France Travail la fait en collaboration pleine avec EY : « nous faisons le lien avec notre ingénierie pédagogique interne, mais on s’appuie aussi sur l’accompagnement de cabinets conseils, comme EY » détaille-t-elle, « le couplage interne - externe permet un déploiement contextualisé des programmes de formation. »
Et l’enjeu est de taille. La DSI de France Travail est répartie sur 12 sites géographiques et constituée de plus de 3 000 personnes. À la manœuvre aux côtés de Sandra Charrier, c’est une équipe d’une quinzaine de personnes qui occupe le département RSE de la DSI et qui est chargée de mettre en œuvre la stratégie numérique responsable, créer la culture d’entreprise au niveau de la DSI et de déployer les programmes de formation.
Pour y parvenir, l’enjeu est d’acculturer autant les salariés en interne que les partenaires externes. « Dans les formations à l’éco-conception, nous avons déjà formé plusieurs centaines de personnes » expose Sandra Charrier, « on a reversé ces formations à toutes nos ESN pour que les collaborateurs externes suivent ces formations aussi. C’est très important pour nous. »
Pour 2025, Sandra Charrier estime que la marche à gravir est désormais de montrer ces éléments de réussite au reste des collaborateurs de France Travail. Un autre challenge sera aussi de déployer l’éco-conception dans le périmètre de l’IA : « c’est un challenge ! Mais on a les bons référentiels, les bonnes pratiques ont été retenues et désormais nous sommes en train de monter les formations ! »
Si France Travail semble se saisir du sujet de l’AI pour en minimiser l’impact, son déploiement à échelle mondiale soulève de grandes interrogations. À commencer par le retour en arrière des big tech sur leurs engagements en matière de réduction des émissions carbone.
« Ce retour en arrière pose question, mais on ne pourra pas aller contre la démultiplication des usages du numérique, parce que c’est aussi notre société qui change » assure Jessica Volckmann d’EY, « on voit un transfert des postes d’émissions et une augmentation de l’empreinte du numérique ». Ce qui implique à ses yeux de revoir les engagements initialement pris.
Elle y voit aussi un nouveau challenge : « l’enjeu n’est pas d’aller contre le numérique mais de trouver comment faire pour continuer à maîtriser au maximum ses impacts et intégrer les évolutions de manière durable et responsable » note-t-elle, « et cette revue des engagements démontre au grand public que nos usages du numérique ont une empreinte significative. »
Pour les entreprises, de manière générale, elle estime qu’il est essentiel de dépasser le contexte global. Notamment, le risque de diminution de la portée de la CSRD ou la tendance à un backlash écologique ne devrait pas être un prétexte pour rogner sur les engagements. Elle est d’ailleurs plutôt confiante sur la suite : « En France, on n’a pas attendu les réglementations pour bouger, et on peut en être fière ! C’est d’ailleurs pour cela que la France est plutôt en avance sur le numérique responsable. »
Et d’ailleurs, Jessica Volckmann le constate chez ses clients : « les DSI les plus “visionnaires” sont de plus en plus nombreuses à aborder le sujet avec le prisme du FinOps. Elles comprennent alors que le numérique responsable ce n’est pas une couche en plus et qu’il y a un intérêt économique réel avec de vrais bénéfices d’efficience, de qualité web ou encore de sécurité. »
Lorsque la compréhension des enjeux est maîtrisée, le numérique responsable s’impose donc comme une évidence. « Le numérique responsable apporte d’autres bénéfices au-delà de l’environnement, et c’est en les montrant qu’on arrivera à convaincre plus largement ! » reprend-elle. Et de conclure : « C’est en cela que j’ai le plus confiance aujourd’hui pour faire avancer les actions, voire les accélérer ! » Un vent d’optimisme qui fait du bien à entendre et qui montre combien le numérique responsable est une opportunité bien plus qu’une contrainte réglementaire.
Sandra Charrier est Responsable du département RSE de la DSI chez France Travail
Jessica Volckmann est Technology Consulting Manager chez EY
Sandra Charrier et Jessica Volckmann ont co-animé un atelier intitulé Le passage à l’échelle de la trajectoire bas carbone IT au sein d’une DSI du secteur public en pleine mutation : France Travail lors de GreenTech Forum 2024.
Auteur de l'article : Rémy Marrone pour GreenTech Forum