Performance et flexibilité. Deux grands atouts du Cloud dont les entreprises peuvent se saisir et y voir aussi un moyen efficace de gagner en économie d’énergie. Le Cloud offre cette possibilité de dimensionner les ressources nécessaires à l’entreprise au moment où elle en a besoin. Derrière cette efficacité, il n’est pas toujours simple pour les entreprises d’avoir une vue claire de l’empreinte environnementale de leurs usages du Cloud. Certains acteurs du numérique, cloud providers ou fournisseurs de solutions de mesure, cherchent à apporter des réponses.
« Avec notre solution, on est capable de suivre les applications qui tournent sur les environnements hybrides de nos clients » explique Julien Rouzé, co-fondateur de Sopht, plate-forme de décarbonation de l’IT sur toute la chaîne de valeur, « on observe régulièrement des ressources qui tournent pour rien. Le surdimensionnement est une problématique cruciale des infrastructures frugales ». Il poursuit : « par exemple, une application comptable en entreprise nécessite beaucoup de ressources à un moment spot du mois (fin de mois, pour la paie notamment) ; le reste du temps, les ressources peuvent être très limitées. »
Sopht accompagne les clients dans le Cloud en les aidant à relever différents challenges. « Le cloud intéresse particulièrement nos clients, mais il y a des enjeux de sécurité car on externalise les données et des enjeux budgétaires liés notamment à des offres des services souvent opaques avec une profondeur de catalogue impressionnante, et des gens qui changent de métiers, en passant de gestionnaires de production à devops. »
La flexibilité et la performance restent des atouts supérieurs à ces contraintes selon Julien Rouzé : « Toutes les digital native implémentent le Cloud chez elles ». Et il y aussi l’enjeu de l’empreinte environnementale. « Pour les entreprises ce qui est bien c’est que le coût environnemental chez un même hyperscaler peut être réduit en fonction de la zone géographique choisie, mais l’image d’épinal du Cloud qui ne pollue pas doit être déconstruite » tempère-t-il.
Car c’est bien là tout le problème du long catalogue de services. En dehors du coût, même s’il y a une réelle possibilité de réduire l’empreinte, le modèle des hyperscalers est basé sur le “vendre toujours plus”. Et vendre toujours plus de services, c’est vendre toujours plus d’espace, ce qui engendre toujours plus d’infrastructures, de datacenters et donc de matériels physiques.
La logique de marché de vendre toujours plus est celle qui régit notre économie de manière générale, mais qui malheureusement nous rapproche toujours un peu plus des frontières planétaires, surtout quand on parle de produits numériques, hautement technologiques. Les efforts d’optimisation sont essentiels, mais la logique même des modèles économiques devra être repensée, car pour l’heure, elle engendre quasi systématiquement le paradoxe de Jevons.
Et la consommation des datacenters d’être de plus en plus pointée du doigt. L’Ademe a récemment estimé qu’en France, 46% de l'empreinte carbone du numérique sont causés par les datacenters, contre 16% estimé en 2020, avec des paramètres de calculs différents : l’Ademe a réintégré la part de consommation électrique liée à des usages faits en France sur des datacenters étrangers. « Il y a d’innombrables machines IT qui tournent dans ces bâtiments. Il y a aussi l’éclairage, le refroidissement, tout cela est très consommateur d’énergie et également d’eau... potable ! » renchérit Julien Rouzé.
D’ailleurs, certains cloud providers ont bien conscience de l’enjeu de travailler sur leur empreinte par souci d’image certes, mais surtout par souci de résilience. C’est la volonté de l’acteur français OVHcloud, l’alternative européenne aux hyperscalers. « On est très conscient de l’importance de travailler sur notre empreinte. En particulier, nous concentrons nos efforts sur quatre facteurs d’impact clé » confie Grégory Lebourg, Global Environmental Director chez OVHcloud.
Les quatre critères retenus par OVHcloud sont : les émissions carbone, l’eau, les ressources abiotiques et l’artificialisation des sols. Pour Grégory Lebourg, chaque acteur du Cloud devrait mener une démarche sur ces quatre paramètres. « Pour construire des datacenters, des ressources végétales sont souvent artificialisées ; l’industrie ne se pose pas souvent la question de faire autrement » dépeint-il.
OVHcloud est pour sa part particulièrement offensif sur ce terrain en maximisant le réemploi de friches industrielles. « Nous avons 30 datacenters en propre. Les 30 sont nés dans des friches industrielles, et 27 étaient de ces bâtiments déjà préexistants ! ». Un bel exemple de résilience pour limiter l’empreinte sur l’environnement et anticiper des réglementations de plus en plus strictes, alors que les politiques de zéro artificialisation nette se généralisent.
OVHcloud déploie plus globalement un arsenal de solutions pour agir sur les quatre facteurs d’impact retenus. Par exemple, OVHcloud travaille sur la longévité de ces plates-formes. Entre autres, l'entreprise s’attelle au réemploi de composants. « Nous fabriquons nous-mêmes les serveurs, donc en fin de vie, après 9/10 ans en moyenne, nous sommes en capacité de démonter nos machines et tester 100% des composants pour ensuite récupérer de nombreuses pièces. »
Et les résultats sont plutôt convaincants. Sur 100 composants qui reviennent du terrain chaque année, OVHcloud en remet en moyenne 30 en état. « Soit on les utilise, soit on les revend, on contribue à l’éco-circularité de la supply chain et on participe bien sûr, in fine, aux filières de recyclage. »
Pour rendre compte de ses actions, OVHcloud fait auditer et certifier ses engagements et indicateurs environnementaux. Et pour aller vers plus de transparence, OVHcloud a aussi développé sa propre calculatrice carbone à destination de ses clients. « C’est dans l’ADN de notre entreprise d’être transparent » insiste Grégory Lebourg.
« Comme nous sommes intégrés verticalement, nous sommes chanceux : nous contrôlons toute la chaîne de valeur » détaille-t-il. Cela permet à OVHcloud d’avoir une vision très claire de son inventaire d’équipements, de ses capacités de stockage, etc. : « on est capable d’avoir en entrée d’un modèle de carbone, une comptabilité très précise. »
Pour l’évaluation, OVHcloud réalise une Analyse de Cycle de Vie (ACV) de ses infrastructures, s’inspire des propositions de l’Ademe et publie la méthodologie de sa calculatrice carbone sur son site corporate. Malgré tout, dans ce travail de transparence, Grégory Lebourg rappelle que les PCF [Product Carbon Footprint] de leurs fournisseurs restent encore une limite car ils ne sont pas toujours sous forme d’ACV en bonne et due forme.
Grâce à la calculatrice, les clients de l’univers Cloud privé d’OVHcloud reçoivent un bilan mensuel carbone de leurs émissions. Des rapports qui ont vocation à s’étendre à l’ensemble des univers produits d’une part, et à couvrir les trois autres facteurs d’impact retenus comme essentiels par OVHcloud d’autre part, à savoir : l’eau, les ressources abiotiques et l'artificialisation des sols.
Julien Rouzé salue de son côté l’existence de ces calculatrices carbone, présentes également chez certains hyperscalers, mais n’en reste pas moins critique de manière générale : « Les calculettes carbone existent mais elles sont encore trop peu transparentes et granulaires pour être actionnables ! Impossible de comparer un fournisseur à un autre, impossible de savoir lequel est le plus vertueux. » explique le co-fondateur de Sopht qui se positionne comme un acteur capable de standardiser la mesure.
Pour lui, il faut surtout que toutes les méthodologies soient alignées et ouvertes, et qu’il y ait une obligation de communiquer les résultats. « Aujourd’hui, le PCR est une bonne initiative mais cela reste volontaire, et ce sera sans doute difficile d’obliger les hyperscalers. »
Pour Julien Rouzé, pour que les choses changent, c’est aussi aux entreprises utilisatrices, en particulier les grandes, d’exiger de la transparence : « l’opacité entretenue par certains acteurs du Cloud est assez effrayante et elle perdure » reprend-il « et on voit qu’en plus, les GAFAM admettent l’accroissement de leur empreinte environnementale : à ce stade, c’est la techno avant l’écologie ». Et de conclure « ce sont les entreprises qui rendent rentables ces hyperscalers là qui arriveront à leur faire entendre qu’ils doivent rendre des comptes ». À bon entendeur (lecteur !), le message est lancé.
Grégory Lebourg est Global Environmental Director d’OVHcloud, sponsor bronze et entreprise exposante en 2024 sur GreenTech Forum.
Julien Rouzé est co-fondateur de Sopht, entreprise exposante en 2024 sur GreenTech Forum.
Auteur de l'article : Rémy Marrone pour GreenTech Forum