Suite à la 3èmeédition de GreenTech Forum Paris, et en vue de la première édition de GreenTechForum Brussels (18-19 juin 2024), retour sur ce qui s’est dit pendant l’événement avec les speakers invités sur scène à Paris.
Transformer l’organisation passe par une nécessaire impulsion des équipes dirigeantes. Elle est aussi la résultante de la mise en action de l’ensemble des salariés vers une même direction. Pour cela, conduire le changement apparaît comme un élément essentiel de réussite.
« La transition des organisations et de nos clients ne se fait pas du jour au lendemain ». Pour Manaëlle Perchet, Head of Impact & Sustainable Development chez Wemanity, groupe de conseil en transformation des entreprises, le constat est sans appel, « Nous devons nous assurer que les parties prenantes comprennent le "pourquoi" de la transformation, pour ensuite pouvoir en devenir "acteur", et les accompagner pas à pas en fonction de leur maturité, de leurs ambitions et de leurs enjeux. »
Les clients de Wemanity sont les entreprises du CAC40 que le cabinet accompagne sur les enjeux de transformation organisationnelle, culturelle et technologique en général, mais également sur le numérique responsable et la mise à l'échelle de cette démarche. « Notre approche est volontairement systémique et holistique pour éviter une réponse uniquement technique qui ne permet pas la réelle transition de l’entreprise ».
Cette approche s’effectue par palier pour permettre un changement progressif et une prise de conscience de la nécessité d’adapter l’entreprise aux contraintes imposées par le dérèglement climatique. Ainsi, Wemanity, dans son offre dédiée à l’IT durable, accompagne ses clients dans leur démarche de sensibilisation, de mesure, de transformation, de formation et d'engagement en faveur d'un numérique plus responsable.
« Rendre nos clients autonomes face à ces enjeux est essentiel pour Wemanity. Sur ce point, sur la sensibilisation comme pour la formation, nous avons à coeur de travailler avec les meilleurs experts en interne comme en externe » précise Manaëlle Perchet. « Pour parfaire une approche holistique de la transformation, nous proposons aussi à nos clients des conférences inspirationnelles à travers des rencontres de personnalités fortes ». Dernièrement Wemanity a invité Kristine Naltchadjian, autrice du livre “The leadership revolution”. Cet ouvrage propose un mode d’emploi pour que les femmes osent prendre le pouvoir. Un thème essentiel aux yeux de Manaëlle Perchet.
Autre levier que Wemanity utilise pour transformer l’entreprise : le mécénat de compétences. Wemanity invite ses clients à proposer à leurs salariés des temps dédiés au mécénat de compétences. En somme, l’objectif est que les salariés puissent bénéficier de temps en dehors de leur mission principale pour travailler sur des projets pour des associations œuvrant pour l’intérêt général.
Cette méthode que Wemanity insuffle chez ses clients s’inspire d’une démarche interne. « Lorsque nos consultants sont en inter-contrats, nous leur proposons de s'engager sur leur temps de travail en faveur de l'intérêt général pour accompagner la transformation des associations qui n’ont pas les moyens de s’offrir nos services, ce qui donne d’autant plus de sens à leur métier » détaille Manaëlle Perchet. « Nous cumulons déjà plus de 800 jours de mécénat de compétences auprès de nos 150 ONG partenaires ».
La Head of Impact & Sustainable Development de Wemanity, est particulièrement fière de ce projet car c’est un moyen fort pour favoriser le rapprochement du monde de l’entreprise avec les enjeux de transition écologique et sociale. Cette mise en action représente aussi aux yeux de Manaëlle Perchet la concrétisation des propositions de l’écologiste Pierre Rabhi : « à travers le mécénat, nous voyons un bon moyen pour chacun de nos salariés de faire leur part contributive au changement, à l’instar du colibri ».
Au moment d’achever leur mission de mécénat avec une association, certains de ses consultants reviennent vers elle et lui demandent s’ils peuvent désormais faire du bénévolat pour celle-ci, en dehors de leur temps de travail. « Quand cela arrive, c’est le plus beau cadeau qu’ils peuvent me faire ! » se réjouit-elle.
Se transformer soi-même avant de transformer les clients est un enjeu fort. Wemanity l’a bien compris. Si le mécénat est un levier est activé tout au long de la vie des collaborateurs dans l’entreprise, la mise à niveau et la formation démarrent quant à elles, dès l’onboarding des nouveaux salariés.
« Quand un salarié arrive chez Wemanity, nous savons qu’il s’agit d’un moment-clé pour lui permettre de réellement maîtriser la vision systémique que nous essayons d’insuffler auprès de nos clients. » précise Manaëlle Perchet. Pour cela, Wemanity met en place un processus de sensibilisation et formation pour acquérir une vision globale des enjeux de transition écologique et sociale.
Chez Decathlon, les enjeux d’acculturation des équipes représentent également un pan essentiel de la stratégie de change management. Nathalie Otte est Responsable Green IT pour le groupe Decathlon, c’est à elle que revient la charge de piloter la stratégie numérique responsable de l’entreprise. « Mon enjeu, à terme, est de travailler avec l’ensemble du groupe pour acculturer toutes les personnes en prise avec le numérique » détaille-t-elle, « dans ce cadre, la sensibilisation et la montée en compétences sont clés. Pour l’heure, je concentre mon effort sur les premiers concernés à savoir la direction Decathlon Digital à laquelle je suis rattachée ».
Decathlon Digital qui déploie l’ensemble des services digitaux (infrastructure, équipements et services), moteur de la transformation de l’entreprise, représente pas moins de 5 000 collaborateurs sur les 105 000 que compte le groupe. Pour déployer sa démarche, Nathalie Otte l’a bien compris, elle ne peut agir seule. Ainsi, elle cherche d’abord à capter ceux qu’elle appelle les « early-adopters » : « Chez Decathlon, il y a un terreau fertile pour une transformation du groupe par les salariés, mais parmi eux il y en a qui sont plus avancés que d’autres. Ce sont des catalyseurs d’énergie qui vont mettre en route l’entreprise vers un avenir plus durable ».
Ainsi, la Responsable Green IT s’appuie désormais sur 35 ambassadrices et ambassadeurs Green IT officiellement missionnés au sein de sa direction digitale. Ils sont des relais indispensables à la diffusion de la vision et des bonnes pratiques numérique responsable que Decathlon souhaite impulser. « Chez Decathlon, les collaborateurs sont globalement volontaires, mais souvent ils ne savent pas par où commencer sur les questions numériques ; le risque est qu’ils s’épuisent s’ils se lancent sans être guidés. Le rôle des ambassadrices et ambassadeurs est clé ». Nathalie Otte a entamé la démarche Green IT du groupe depuis un an et demi et développe le réseau d’ambassadeurs depuis un an, réseau qu’elle compte bien sûr continuer à faire grandir.
L’autre risque qui peut mener à l’épuisement, selon Nathalie Otte, tient dans la non fiabilité de l’évaluation de l’empreinte du numérique. « Avec des méthodologies non uniformisées, des données disparates et des outils de plus en plus nombreux qui, en conséquence, offrent des résultats non concordants, il est compliqué d’obtenir des repères fiables » reprend la Responsable Green IT du groupe Decathlon, « si la cacophonie des outils perdure, il n’y aura aucun résultats pertinents et les entreprises risquent de s’affaiblir et de ne pas se mettre en action ».
Pour convaincre plus largement de l’enjeu de s’attaquer à l’empreinte environnementale du numérique, il apparaît évident que les acteurs du numérique responsable vont devoir travailler de concert. Sur l’empreinte CO2, les acteurs du numérique vont aussi devoir aligner leurs mesures sur les méthodologies qui font maintenant référence pour la construction des bilans carbone. Ouvrir le sujet en dehors de la main des experts pour le porter de manière lisible et coordonnée auprès du plus grand nombre doit rester l’objectif majeur.
Le RCP SI (Référentiel de Catégorie Produit pour l'évaluation environnementale des Systèmes d'Information) porté par l’ADEME, même s’il ne répond pour l’instant qu’au cadre français, constitue, à ce titre, une première initiative pour pousser les acteurs de l’évaluation à uniformiser leurs méthodologies. Gageons que ce premier galop d’essai soit suivi par les acteurs économiques internationaux pour se mettre en conformité avec cette proposition.
Au-delà de ces enjeux, Nathalie Otte plaide pour une transformation systémique de notre modèle numérique. « Amener la prise de conscience et atténuer notre empreinte numérique est un premier pas nécessaire, mais demain, notre stratégie et nos bonnes pratiques doivent se fonder sur une modification en profondeur de notre modèle numérique ».
Manaëlle Perchet (Wemanity) rejoint Nathalie Otte et l’illustre sur le volet de la présence des femmes dans la Tech. La Head of Impact & Sustainable Development de l’entreprise y voit un enjeu crucial. « Certains parlent de 30% de femmes dans les métiers de la Tech, mais en réalité quand on regarde les métiers les plus techniques, elles sont seulement 15%. Par ailleurs, nous constatons que les femmes ne restent que rarement plus de 8 ans dans la Tech car elles se sentent moins incluses et ne sont pas forcément à l’aise avec la culture clivante qu’il peut se dégager de ces corps de métier ».
Si les sujets de la diversité et de l’inclusion apparaissent essentiels pour Manaëlle Perchet, c'est en partie car ces derniers décuplent le potentiel des innovations développées: « par exemple, s’il n’y a pas 50% de femmes dans la Tech, 50% des problèmes ne sont pas adressés quand on conçoit un service numérique ».
Pour elle, pour changer les imaginaires et étendre le champ des possibles, il convient de mettre en avant d’autres exemples de réussite que ceux habituellement promus et impliquer de manière globale l’entreprise, « quant à la question de la mise en place de quotas de femmes dans les écoles ou les entreprises, cela peut être éthiquement parlant dommageable, mais pragmatiquement efficace ».
Cette illustration ouvre un champ de réflexion sur l’approche systémique à adopter pour une transformation globale. La réponse technique aux enjeux environnementaux du numérique est un bon levier pour favoriser l’atténuation de l’impact et mettre en action les acteurs. Néanmoins, Manaëlle Perchet (Wemanity) et Nathalie Otte (Decathlon) le rappellent, une approche holistique est le seul moyen de parvenir à transformer en profondeur le modèle numérique et permettre une réelle transition vers un modèle durable.
La stratégie de Fairphone apparaît à ce titre comme une autre illustration d’une approche plus systémique. Agnès Crépet le rappelait dans nos colonnes : « un téléphone durable tel que nous l’imaginons chez Fairphone est un téléphone durable vis-à-vis de la Planète et des gens qui y habitent ». Intégrer l’ensemble des enjeux sociaux et sociétaux, c’est donc aussi l'enjeu de demain pour créer une Tech plus Green.
Manaëlle Perchet (Wemanity) a pris la parole sur la conférence : « Comment accélérer la transition écologique et solidaire dans les métiers de la Tech ? », lors de GreenTech Forum Paris 3ème édition.
Nathalie Otte (Decathlon) a pris la parole sur la conférence : « Comment conduire des projets numériques responsables au sein d’organisations implantées à l’international ? », lors de GreenTech Forum Paris 3ème édition.
Auteur de l'article : Rémy Marrone pour GreenTech Forum