NUMÉRIQUE RESPONSABLE | DATA

Le sens de la donnée

Octobre 2024

Qu’il s’agisse de créer de la donnée pour la transition écologique (IT for Green) ou maîtriser la donnée collectée (Green IT), l’enjeu autour de la data est majeur au sein des entreprises. Malgré tout, il est encore bien difficile de “faire parler la donnée”. Quelques entreprises tentent d’apporter des solutions concrètes.

La collecte est réalisée souvent tous azimut sans réelle structuration d’une part, et elle peut se révéler très complexe à réaliser d’autre part, notamment dans le cadre de données ESG (Environmental, Social and Governance). Résultat : la donnée est un enjeu majeur mais les entreprises ont beaucoup de difficultés à l’exploiter que ce soit par infobésité ou manque de temps pour répondre aux enjeux de la transition écologique.

Pourtant, les données sont essentielles pour faciliter la prise de décision au sein des organisations. Dans ce contexte, certaines entreprises travaillent sur des modèles pour rationaliser et structurer les données des organisations tandis que d’autres aident à accélérer la collecte de données ESG. Deux rôles complémentaires et qui visent tous deux à fournir les moyens d’un pilotage éclairé de l’entreprise.

IT For Green data : accélérer la collecte

Mettre la donnée au service de la transition écologique, c’est ce qu’entend faire au quotidien EcoAct, cabinet conseil spécialisé sur la transition écologique, récemment racheté par Schneider Electric. Face au constat que la phase de collecte et d’analyse des données ESG devenait trop chronophage dans les missions par rapport à l’apport de pistes d’actions, EcoAct a décidé de travailler sur les moyens de l’accélérer.

« On a créé une équipe Climate Data Analytics au sein du cabinet » explique Marine Le Touzé, Senior Manager Data et Partenariats chez EcoAct, « notre mission : automatiser la partie collecte et traitement des données, voire utiliser l’IA pour accélérer cette partie ». Pour EcoAct, l’utilisation de l’IA se justifie car les responsables RSE sont aujourd’hui de plus en plus sollicités sur les actions de mesure et de reporting, en particulier avec la réglementation comme la CSRD.

Aux yeux de Marine Le Touzé, cette partie état des lieux, collecte des données et mesure est importante mais « celle qui génère de la valeur ajoutée c’est celle qui permet le passage à l'action, la définition d’action de réduction, d’adaptation, la mise en œuvre et le pilotage. »

Pour automatiser le traitement des données, EcoAct bâtit des bases de données, qu’elle va ensuite “mapper” avec celles de ses clients. «Chaque entreprise a sa propre nomenclature, sa propre façon de stocker la donnée » décrit Marine Le Touzé, « si on veut pouvoir enrichir les données de nos clients, on doit pouvoir faire le lien entre nos bases et les leurs. ». Être capable d’enrichir rapidement les données de ces clients avec des informations pertinentes pour leur permettre le passage à l’action. Par exemple récupérer la liste des fournisseurs d’une entreprise et renvoyer instantanément leur analyse de maturité climatique, et un facteur d’émission spécifique par fournisseur.

Sur l’analyse des risques d’un site physique par exemple, EcoAct est capable à partir des coordonnées GPS d’un site, de faire des analyses du risque climatique automatisées. Le cabinet renvoie ensuite les indicateurs à travers une fiche pratique détaillée montrant les risques auxquels le site est soumis. La fiche propose même une stratégie d’adaptation avec un moteur de recommandation d’actions spécifiques à la typologie de site du client et à l’exposition au risque analysé.

Offrir le bon niveau d’information

Tout l’enjeu pour EcoAct est de fournir le bon niveau d’information et collecter les données en conséquence. « Pour ne pas créer des systèmes complexes, on doit rester proche du but final de l’usage de l’application » précise Marine Le Touzé, « on peut aller très loin dans l’analyse, l’établissement de multi-scénarios mais trop d’information peut nuire à la prise de décision. »

Pour elle, l’objectif est de rester frugal dans la collecte, simplifier l’état des lieux et synthétiser ensuite cette analyse sous un format qui est « analysable par un humain ». Elle détaille ainsi, de manière simplifiée, ce qu’une fiche d’analyse peut contenir : « Sur tel site de votre entreprise, il y a un datacenter. Les vagues de chaleur vont y être multipliées par dix dans les cinq prochaines années. Ainsi, nous vous recommandons un système de cooling intelligent avec un auto-approvisionnement énergétique. »

Aider à comprendre les enjeux climat biodiversité

EcoAct aide ainsi à mieux comprendre les impacts d’une entreprise sur le climat et la biodiversité mais aussi à comprendre les risques et les pistes d'adaptation associées. Mais beaucoup de secteurs d’activités n’ont pas encore atteint ce niveau de maturité. « Il y a des secteurs d’activité qui sont en avance par rapport aux autres sur la partie réglementaire et le reporting, ils peuvent donc s’intéresser aux sujets d’après qui sont  l’adaptation aux risques climatiques et la biodiversité »reprend Marine le Touzé, « ils ont compris qu’il y avait de gros risques financiers à ne pas mettre en œuvre des pistes d'adaptation. »

Le secteur logistique par exemple est un secteur particulièrement en avance. Pour un client de ce secteur qui a besoin de comprendre les risques sur ses différentes composantes (bâtiments, équipements, ressources humaines, etc.), EcoAct propose une visualisation fine des vulnérabilités sur ces composantes, de façon à prioriser les actions d'adaptation sur les zones géographiques et les composantes les plus pertinentes pour favoriser la résilience à court & long terme grâce à l’analyse des données.

Green IT for data

Cette compréhension des enjeux, rapide et éclairée, n’est possible que si la donnée collectée est structurée et contenue dans un volume raisonné. Que ces données soient au service de l’ESG ou d’autres enjeux de l’entreprise, la maîtrise de la collecte est encore aujourd’hui un défi pour les entreprises.

Systnaps, société qui existe depuis 2007, spécialisée sur la gestion du cycle de vie des données, fait entrer la donnée dans l’économie circulaire. Objectif : faciliter la gestion des données et réduire l’empreinte carbone de l’entreprise. « La donnée se prête très bien aux principes de l’économie circulaire car contrairement aux autres ressources la donnée est illimitée » explique Jawaher Allala, CEO de Systnaps « mais le grand problème c’est qu’elle a de nombreux déchets (redondance, obsolescence, trivialité). »

Pour appuyer sa démarche, Systnaps développe sa propre méthodologie : M4R. M pour Maps, c’est-à-dire cartographier son patrimoine de données. 4R pour : Réglementer (mettre en conformité rapidement son patrimoine informationnel), Réduire (le stockage, les traitements et l’impact sur la personne), Recycler (mettre les données dans des espaces de moins en moins énergivores), Réutiliser (mutualisation, recherche d’open data, réutilisation de la donnée déjà collectée).

Avec sa méthode M4R et sa solution logicielle, Jawaher Allala propose un moyen de maîtriser son environnement : « les entreprises ont besoin des métadonnées pour gérer le volume impressionnant de données. Nous leur proposons un moyen de réduire l’impact négatif et d'accélérer l’impact positif et durable de la donnée ». Systnaps est labellisée par la fondation Solar Impulse, lauréate Greentech innovation 2023 (Ecolab) et TechSprint 2023 avec la Caisse des Dépôts, et a rejoint la fondation Ellen Mc Arthur pour l’économie circulaire.

Réduire la dette technique, en profiter pour diminuer l’empreinte carbone

Lorsque les entreprises se tournent vers Systnaps c’est en général parce qu’elles ont une dette technique forte. « Elles possèdent des données non structurées avec des variations de formats très différents (Word, PDF, Excel, etc.) et les données sont souvent gérées par des individus avec des stratégies qui leur sont propres » explique Jawaher Allala, « en interne, il y a aussi toujours les sachants ; lorsque ces sachants partent, l’entreprise n’est plus capable de maîtriser son système ! »

La promesse de l’entreprise est de répondre à ces problématiques, traiter de très gros volumes de données dans des délais raccourcis et de rationaliser toute la donnée, entre autres supprimer toutes les données inutiles. « Nous avons travaillé avec la Région Île-de-France, près de 60% de leur données étaient des doublons, tous sous des formats différents avec des données non structurées ! » s’étonne encore Jawaher Allala.

Pour elle, la réduction de l’empreinte carbone à travers le travail de Systnaps est « une cerise sur le gâteau » : « la réalité du terrain, c’est que cela fait des années qu’on nous appelle pour améliorer les performances et réduire le coût de l’infrastructure ! ». D’ailleurs l’entreprise est labellisée par Solar Impulse pour cette double casquette : la fondation recherche des solutions qui sont rentables pour les entreprises et qui les aident à réduire significativement leur empreinte carbone.

Tout l’enjeu d’un numérique plus responsable est donc de pousser pour une meilleure maîtrise des données, une approche plus frugale et structurée, au service de la transition écologique et de la performance financière des entreprises. Des sujets qui se rejoignent et que les entreprises en avance ont très bien intégré : collecter et faire du reporting ne suffit pas, décider et s’adapter sont les maîtres-mots pour, demain encore, exister.

A propos

Jawaher Allala , CEO de Systnaps fait partie de la Commission data & cloud de Numeum.

Marine Le Touzé est Senior Manager Data & Partenariats chez EcoAct.

Jawaher Allala et Marine Le Touzé participeront à la conférence intitulée “La donnée au cœur de la stratégie :identification, collecte et pilotage” lors de GreenTech Forum 2024.

Auteur de l'article : Rémy Marrone pour GreenTech Forum

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