NUMÉRIQUE RESPONSABLE | SOBRIETE

Où est passée la Smart City ?

Octobre 2024

“Smart City” un terme qui, il y a encore cinq ou six années, était au bout de très nombreuses lèvres. Mais depuis 2018, les idéaux ont beaucoup évolué, particulièrement au sein de collectivités engagées, conscientes de l’impact du numérique et de la nécessité de penser un cadre de développement plus maîtrisé.

« Le terme Smart City n’a plus le vent en poupe et, en réalité, il a toujours été mal adapté. » déclare François Panouillé, chargé de mission innovation et numérique à la Banque des territoires. De plus, le terme est peu adapté au contexte actuel. Les territoires sont contraints de prendre en compte l’empreinte environnementale du numérique et anticipent de plus en plus les conséquences du dérèglement climatique, ou cherche déjà à s’adapter.

Autant de raisons pour des collectivités, à l’instar de Bordeaux Métropole, d’adapter le déploiement du numérique, à la Banque des territoires de les accompagner autrement… et d'adapter le vocabulaire. Il faut dire que le terme Smart City n’a jamais fait l’unanimité chez les élus selon François Panouillé : « “City” ne reflète pas la diversité des territoires et “Smart”se traduit assez mal en français. »

Cet adjectif est souvent réduit à “intelligent” alors que le terme englobe, selon lui, une polysémie plus large. « Par ailleurs, le terme “Smart City” a été popularisé par IBM de l’autre côté de l’Atlantique » reprend-t-il, « avec un imaginaire très technocentré ». Il y avait donc matière dès le départ à ne pas pérenniser ce terme ; c’est d’autant plus probant maintenant que l’impact environnemental du numérique est plus largement connu.

Il faut dire qu’entre 2018 et 2021 un certain nombre de rapports sont sortis pour alerter sur l’empreinte du numérique par des associations comme The Shift Project et Green IT ou encore par des organisations comme l’ADEME. Une mise en lumière d’autant plus forte que l’épidémie de Covid-19 allait faire l’emphase sur la consommation énergétique du numérique. Enfin, en France, cette période s’est conclue par l’adoption de la loi REEN (Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique), en novembre 2021.

Accompagner le numérique au sein des collectivités

Le baromètre sur la data dans les territoires, produit par l’observatoire Data Publica, en partenariat avec, entre autres, la Banque des territoires, indiquait en 2023 que 83% des collectivités considèrent que le numérique est pertinent ou prioritaire pour relever les défis environnementaux.

« En 2024, c’est la même tendance ; et cette année, elles sont plus de la moitié à avoir mis en place des projets liées aux données, voire à l’IA, sur ces sujets dans le domaine de l’énergie et la planification environnementale » dévoile François Panouillé. La parution du baromètre 2024 est prévue pour novembre prochain.

Pour répondre à cette dynamique, la Banque des territoires a mis en place un programme d’accompagnement des collectivités sur la data pour piloter leur politique publique. « On les accompagne en ingénierie, on finance ou co-finance du conseil » explique le chargé de mission innovation et numérique.

A ses yeux, beaucoup de collectivités s’emparent de la data et de l’Intelligence Artificielle (IA) pour mieux suivre leur plan climat : « dans la mesure où les collectivités sont en première ligne en ce qui concerne le changement climatique, elles sont nombreuses à s’emparer du numérique pour mieux connaître leur territoire et en faire un outil de pilotage de la transition écologique. ».

« À Nantes, il y a par exemple une application pour les cyclistes qui indique en temps réel le niveau de pollution dans la ville, et propose selon les cas des itinéraires bis » illustre François Panouillé, « à Metz, ce sont les allergènes qui sont particulièrement scrutés grâce à une application. »

Au-delà de l’accompagnement des collectivités, c’est aussi en termes de politiques d’investissement que la Banque des territoires agit pour des solutions plus sobres avec le numérique. Par exemple, la Banque des territoires investit dans Qarnot Computing, entreprise qui déploie des datacenters avec l’objectif de valoriser la chaleur fatale produite, dans des systèmes de chauffage urbain (ex : piscines, immeubles).

« Je pense que nous avons tout à gagner en prenant un coup d’avance en tant que Banque des territoires » reprend François Panouillé, « c’est prendre un coup d’avance que de réfléchir à ces questions et arriver à faire bien en tenant compte des ressources disponibles ». Une avance que certains territoires prennent par anticipation, adaptation ou conviction.

Bordeaux métropole, pour un numérique équilibré

Bordeaux métropole est un très bon exemple de collectivités ayant pris le virage d’un territoire connecté qui pense les services déployés au regard des cas d’usage les plus utiles possibles pour sa population et ses agents. « Au sein de la Métropole, l’enjeu est de mettre en place un numérique qui apporte plus de valeur que d'externalités négatives sur les impacts sociaux, sociétaux et environnementaux. »

Ainsi, au sein de Bordeaux Métropole, on parle de numérique maîtrisé, où les nouveaux projets  numériques sont questionnés selon le prisme évoqué au-dessus.. Ce mouvement s’est fait assez naturellement d’après Mathias Hummel : « C’est une volonté à la fois de nos élus et de nos agents  ». Ce changement se fait donc selon une démarche partagée qui infuse l’organisation du numérique.

Une philosophie interne qui correspond bien à ce que la Métropole souhaite incarner pour sa population : « l’angle sous lequel nous menons cette politique numérique responsable, adoptée dès septembre 2022, c’est de l’animer avec tous les acteurs du territoire : usagers, écoliers, agents, entreprises… pour les accompagner et les sensibiliser » détaille Mathias Hummel.

Des expériences positives

Dans cette dynamique d’un numérique plus équilibré, Bordeaux Métropole ne s’empêche pas de réaliser diverses expérimentations. Par exemple, elle a travaillé récemment sur le déploiement d’un outil pour détecter les îlots de chaleur et trouver les leviers pour agir. « Dans ce cadre, on voit que le numérique a de la valeur pour la transition environnementale » précise Mathias Hummel.

Dans un autre genre, Bordeaux Métropole a été lauréat en juin 2023 de l’appel à projet de la Caisse des Dépôts « Démonstrateur d’intelligence artificielle frugale au service de la transition écologique des territoires ». Les objectifs du projet STACOPTIM sont de standardiser les audits énergétiques, utiliser l’intelligence artificielle pour proposer des bouquets de travaux optimisés et mettre en place une méthodologie de suivi des rénovations.  

Autant d’expérimentations qui montrent que le numérique peut se cantonner à des usages particulièrement utiles pour résoudre certaines problématiques de notre monde contemporain et qui pourraient inspirer d’autres territoires.

Mais il reste encore du chemin à parcourir pour embarquer tout le monde et maîtriser le déploiement de services numériques. François Panouillé de la Banque des territoires reprend à ce titre quelques chiffres : « le Baromètre 2024 de l’observatoire Data Publica révèle qu’à l’été 2024, seules 14% des communes de plus de 100 000 habitants ont adopté une stratégie numérique responsable ».

En revanche, dans cette même étude, les régions et métropoles affirment à 92%, qu’elles auront adopté une stratégie numérique responsable à la fin de l’année. Un signe encourageant donc, mais un challenge de taille, alors que la loi REEN exige pour les territoires de plus de 50 000 habitants, cette stratégie numérique responsable pour janvier 2025.

A propos

Bordeaux Métropole et La Banque des Territoires seront représentées lors des tables rondes de la Track Collectivités.

Auteur de l'article : Rémy Marrone pour GreenTech Forum

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